jeudi 27 juin 2013

Drapeau




J’aime courir le matin tôt dans la ville en essayant de la regarder avec les yeux d’un étranger. Ceux d’un américain qui verrait tomber sur le parvis du Centre Pompidou des éclats noir et blanc de la superbe exposition Sol Le Witt, ceux d’un kosovar livré tout frais sorti d’un carton  près de la gare routière ou ceux de cette  jeune étudiante chinoise qui observe comme moi  les cols verts sur l’île du parc de la Seille et envoie « Chers parents, mille printemps dorés ne suffiront pas à vous remercier de pouvoir  découvrir  cette étrange contrée où l’on élève des canards en liberté. Regarder une autre civilisation est une source intarissable de bonheur et rien ne saurait égaler l’immensité des questions que cela m’oblige à me poser quant au sens des choses ».
J’aime  ce parc, longer la rivière dans le sens du courant après avoir traversé la houblonnière. Il y a juste ce drapeau.
Au-dessus du Centre Pompidou  flotte un drapeau français. On le voit d’un peu partout. En ces  temps nationalistes c’est un peu pompeux et pompant. Je me demandais hier en courant si le 14 juillet n’y suffirait pas. Et pour les autres jours changer : le lundi  Botswana, le mardi Egypte, le mercredi Ardennes belges (très beau) et ainsi de suite. Chaque soir le dernier visiteur du musée  choisirait le drapeau affiché au matin. Il y aurait aussi  des drapeaux d’enfants, des drapeaux d’artistes, des drapeaux de marine, des longs, des larges, des courts, des triangulaires, des « à tête de mort ». On pourrait créer des produits dérivés, le Dragon soufflant ou  Neige sur fond gris –c’est très joli comme drapeau - Ondulations méditerranéennes etc… Soit quelques milliers de jours différents moins le 14 juillet, c’est avantageux. Ah, envoyer les couleurs dans un musée !
J’imagine le directeur, avec son équipe, en train de hisser la Mongolie Atlantique à 72 mètres de haut. Je doute que ça le fasse rire longtemps le directeur. Mais bon  il faut ce qu’il faut, Metz a un passé militaire. Hisser le drapeau est une tradition et les hauts fonctionnaires de la Nation doivent se plier à quelques contraintes protocolaires.
J’en étais là de mes réflexions lorsqu’un des cols verts s’est mis à gueuler comme quoi il aimait pas le regard laqué de cette chinoise et que j’étais bien trop près des œufs qu’il gardait et que sa nana allait pas tarder à revenir, qu’il allait se faire allumer parce qu’il avait pas réussi à me chasser, que tout ce stress allait se répercuter sur les petits et qu’il faudrait voir à installer une cellule psy dans cette putain d’île tellement les visiteurs viennent nous y briser les rectrices et qu’on pourrait tout de même hisser un drapeau du pays des canards pour bien marquer que c’est chez nous.
Hé bien c’est pas gagné le salut à toutes les couleurs. Bon été à tous.


  EARLY – 2013 – 162x114cm


NB : Le parc de la Seille est l’œuvre (qui vieillit bien)  de Jacques Coulon (architecte) et Laure Planchais (paysagiste)