mercredi 22 juillet 2009

Torquemada

Torquemada était un joyeux drille qui adorait manger un poulet rôti dès mâtines.
Il fut nommé Inquisiteur par le Pape en 1482. Après une mise en jambes en Castille et en Aragon il entreprit la mise au pas de « l’Andalousie heureuse » (c'est-à-dire avant la culture intensive du poivron) où cohabitaient les trois religions monothéistes. Aux juifs et aux musulmans rassemblés sur la place un beau matin bleu pale de février comme en réserve le sud, il tint le discours suivant :
« Mes amis,
Leurs gracieuses majestés Isabelle et Ferdinand sont heureuses de compter deux peuples aussi industrieux, brillants et travailleurs que les vôtres. L’Espagne dans sa grande bonté et par la grâce du Seigneur est prête à vous garder sur son sol. Pour cela il vous suffit de devenir de fervents chrétiens. Ceux qui refuseront, devront partir. Aux autres nous donnerons la place qu’ils méritent. Ah, un dernier point : si vous choisissez de partir vous nous laisserez vos biens. Voilà, je vous dis à dimanche, à la cathédrale, pour un baptême collectif. Gloire à Dieu au plus haut des cieux »
Les musulmans se réunirent illico et les juifs dix minutes plus tard non sans avoir débattu de l’opportunité de tenir une réunion. Le dimanche la cathédrale était bondée. Torquemada monta en chaire.
« Mes frères, je peux maintenant vous nommer « mes frères », Dieu se réjouit de vous voir aussi nombreux en ce lieu. Il m’a cependant demandé d’éprouver votre foi et de m’assurer que ce ne sont pas des considérations vénales qui vous ont menés à la vérité. Je vais passer parmi vous et désigner ceux qui éprouveront la question ».
Ainsi fut fait. La peste brune étendit son ombre et les bûchers furent dressés au milieu des villages où s’arrêtaient les inquisiteurs. Le matin on jugeait après que la population dans sa grande sagesse eut désigné ceux qui éventuellement pouvaient être susceptibles de ne pas…, l’après midi on rôtissait des marranos, des moriscos et quelques sorcières pour faire bon poids. Et puis on se lassât, les rôtisseurs dirent : « le métier fout le camp, ya plus rien à saisir ». Et ils rentrèrent chez eux en grand nombre pour se remettre à la culture du poivron.
- Maman, me revoilà.
- Dieu te bénisse mon fils.
Torquemada était un joyeux drille qui adorait manger un poulet rôti dès mâtines. (refrain)

TORQUEMADA - 2008 - 195 x 130 cm

jeudi 2 juillet 2009

Loire


La Loire est à l’origine de la schizophrénie météorologique, une pathologie qui affecte un grand nombre d’entre nous. Le truc fait de tels ravages à chaque bulletin météo que je décidai un jour de vérifier par moi-même ce « gris au nord » et « bleu au sud » qui me scie la tronche depuis l’enfance. Tel Pécuchet au meilleur de sa forme je me plantai au mitan du pont de Chateauneuf, le regard tourné vers l’ouest, afin d’observer le phénomène. (Une bonne observation nécessite de se couler dans les éléments or la Loire coule vers l’ouest)
Je vous le dis tout net il s’agit d’un pur mensonge : le ciel ne change pas de couleur à la verticale de l’axe du fleuve. J’y revins plusieurs fois afin de confondre ces beaux messieurs (une bonne observation nécessite des recoupements) C’est confirmé: hiver comme été, matin ou soir, par calme plat ou grand vent et même en regardant vers l’est le ciel ne se déchire pas à cet endroit là.
Désabusé par ce constat - j’aime la précision dans l’observation - je me penchai au dessus du parapet. La Loire m’a offert dans son flot des bribes de pêchers en fleurs, du vert tendre de prairie et des ocres de tuffeau. Je l’ai vue monstre de douceur avec de la douceur autour et des châteaux d’opérette qui veillent sur des jardins géométriques. Oh bien sûr elle est grosse l’hiver, fantasque au printemps et montre ses jambes lorsqu’il fait chaud mais elle est bonne fille et la douceur domine dans cette lumière capturée entre grain de pluie et brume de chaleur. La Loire ressemble à la France dont nous rêvons. Généreuse, subtile et douce. Celle que nous décrivons aux visiteurs étrangers incrédules.
Et puis un canard est passé sous une arche avant d’amerrir sous mes yeux. Ah si Arthus Bertrand pouvait s’intéresser au vol du canard souchet plutôt qu’à celui de son hélico dont la compensation carbone a permis la reforestation de la Corse, cela nous éviterait de nous taper « Home » en VO. Cette histoire de compensation pue l’arnaque.
LOIRE - 2009 - 195 x 130 cm