dimanche 10 novembre 2013

Bananes



Ma première maîtresse était une femme un peu ronde, pas très grande et avec des yeux très sombres. Sa peau luisait doucement lorsqu’elle passait de l’ombre à  la lumière. Son parfum allait et venait autour de moi avec douceur. Je suivais sa marche sans en perdre une miette.
Lorsque je croisais  son regard  j’y voyais de l’amour. Mais mes yeux s’attardaient plutôt sur son décolleté profond  qui recelait des mystères dont l’élucidation nécessitera  encore quelques années. Ma première maîtresse m’a appris à lire.
J’aimais le son de sa voix et jamais elle n’a crié après moi lorsque je faisais des erreurs. Même enfant je me rendais compte qu’elle parlait magnifiquement  bien  et à mes parents je disais «  vous ne  parlez pas comme la maîtresse ».
Pour diriger mon doigt vers  la bonne syllabe  elle posait sa main sur  mon poignet et je sentais la chaleur de sa  paume. Cela me rassurait. J’ai appris vite malgré la tentation qu’elle serre  souvent mon  poignet.
Ma première maîtresse était une femme noire.
Une guadeloupéenne. C’est à Basse-Terre, en 1957, que j’ai appris à lire. Merci maîtresse, tu m'as initié à un plaisir qui dure encore.





L’école de mon enfance a bien changé.
On lui a foutu un toit mansardé et rajouté une belle terrasse sur un flanc.