mercredi 17 décembre 2008

La bourse ou la vie

Enfant, je m'installais devant la glace de la chambre des parents et livrais des combats à de redoutables ennemis. Un de mes scenarii favori était l'attaque du carrosse. J'y tenais tous les rôles.

Le cocher - Monseigneur, nous voilà poursuivis par des mandrins.

La marquise - Mon dieu qu’allons nous devenir !

Le baron (la main sur l’épée) – ne craignez point madame…

Le chef des bandits – Casse-trogne débarrasse nous de ce cocher !

Le fidèle lieutenant sautait sur la voiture, rampait et achevait le cocher dont je faisais très bien le cri d’agonie - AAArghhhh.

L’attelage stoppait dans des grincements d’essieu et les ordres de ce gueux aux chevaux écumants. Les passagers descendaient et devaient se dépouiller. Grand seigneur le chef des bandits décrétait :

– Pas vous Madame.

Elle baissait les yeux, déjà conquise, ou bien, selon l’humeur du jour, le défiait :

– Quelle insolence !!! Baron faites quelque chose !!

Et là……

Moi, le justicier, j’arrivais sur mon alezan lancé vent du bas. Dans l’élan je basculais trois voleurs avant de balancer un poignard entre les épaules de Casse-trogne, sautais de ma monture, dégainais et entamais un duel de mort avec le chef des bandits. La marquise reprenait des couleurs et palissait en même temps de peur de me perdre. Je transperçais sans pitié ce manant avant de saluer la belle. Le soir dans mon lit je repensais à mes exploits et avec délices à la marquise.

Mais je ne sais pas ce qui se passe, l’affaire se déroule mal. Je commence à avoir froid. La diligence est arrêtée, on est à poil au bord de la route et le justicier n’arrive pas. Les chevaux broutent l’herbe fraiche. Je crois bien que la marquise s’est tirée avec le golden boy.

Les temps à venir verront fleurir des gens à poil au bord des routes. Personne ne poursuivra les golden boys, ils sont le point lumineux de l’arnaque que l’on nous vend. Cette lumière nous aveugle.


Grave – 2008 – 110x110cm - Acrylique sur toile

« Grave » n’est pas destiné à illustrer la crise car il pourrait y être question du son par exemple, ou de la maladie. Non, ce tableau est juste destiné à montrer que l’on peut peindre des adjectifs comme l’on peint des paysages ou des portraits. Certains m’ont dit qu’en anglais « grave » signifie « tombe ». Les mots sont très malléables. La peinture aussi, surtout lorsqu’elle s’occupe des mots.


Malléable – 2008 – 110x46cm - Acrylique sur toile