dimanche 4 septembre 2011

Carrosse




Le 21 juin 1791 Louis XVI fut arrêté à Varennes alors qu’il tentait de fuir la France.
La berline qui permit ce voyage a inspiré à l’artiste Xavier Veilhan une élégante sculpture contemporaine exposée en 2009 devant le château de Versailles.

Ce carrosse se trouve maintenant Place de la République à Metz proposant un curieux raccourci historique (Louis vous en parlerait mieux que moi). Autant à Versailles l’objet faisait sens, autant son actuelle situation me semble un peu… un peu…. un peu con finalement. Je vous laisse juge, mais perso j’ai le sentiment qu’il a envie de se faire la malle.
Son genre « Lost in translation » ne vous aura pas échappé. Remarquez, lors du précédent passage des forains il était à côté des autos-tamponneuses ce qui avait une classe folle. Un peu plus on nous le compressait façon César! Il y a donc progrès car l’actuel voisin du carrosse s’appelle

ce qui augure de transports à bride abattue d’autant que le graphisme d’Extazy n’est pas sans rappeler les formes anguleuses étudiées par ordinateur pour notre véhicule historico-contemporain.
A l’heure où j’écris ces lignes j’ignore si nous en sommes les copropriétaires. Si par cas nous le sommes ou le devenons il faudra lui inventer un destin et le sortir de l’ornière, vous l’aurez compris nous devons sauver la PAC (Pièce d’Art Contemporain). Je propose d’instaurer autour de l’objet un rite annuel nommé « la Grande Transportation ». Le principe en sera simple.
Chaque 21 juin vers 17 heures, en ouverture de la Fête de la Musique, de vigoureux gaillards issus des quartiers de la ville saisiront l’objet et le transporteront dans un autre quartier. On le mènera par exemple Place de France, pour un carrosse royal çà aura plus de gueule, on le présentera au Graoully, on le postera Rue Lothaire dans le collimateur du radar fixe, juste en débordement du feu - l’ordinateur y perdra son binaire – il sera hissé sur le toit du tribunal, introduit dans la salle des Mariages, fera une halte à la station d’essence de Queuleu que sais-je ? Au fil des ans les idées viendront, les règles s’affineront et la tradition prendra corps.
Les quartiers s’affronteront. Chacun aura un costume rutilant, une fanfare, des produits dérivés, des pom-pom girls c’est un minimum. Le rite sera internetisé, connu, reconnu. « La Grande Transportation » fera référence dans la période dite de l’art contemporain comme un exemple réussi de prise en compte d’une œuvre par la population. N’en doutons pas la « GT » sera le fer de lance du tourisme local dans les années 2140.
On pourra alors le prêter, l’envoyer à Vladivostok, à Valparaiso, à Lagos, aux Emirats, l’introduire dans un sous-marin nucléaire, l’installer dans une niche fiscale (c’est sans doute déjà le cas), lui faire découvrir les stratocumulus, le fond de la mine, l’élection présidentielle. Il goûtera à tout et reviendra poussiéreux, rayé, tagué, rapiécé, épuisé mais les coffres pleins de belles et bonnes histoires que nos arrières petits-enfants écouteront petit doigt dans l’oreille car dans ces temps futurs l’auriculaire aura remplacé l’Ipod. « Extazy » vous dis-je.
ZONE – 2011 – acrylique sur toile - 82x65cm
NB à voir à l’Arsenal jusqu’ au 19 septembre 2011 les intelligentes photos de Steffen Rault qui font penser à «La carte et le territoire» de Houellebecq.