Hier soir je suis allé voir le film sur Turner. Il est
magnifique. N’attendez pas du
peintre que je suis qu'il dise autre chose. On y découvre un homme au caractère bien
trempé et un bourreau de travail, la reconstitution d’une Angleterre à la
Dickens, les costumes, l’accent cockney ou la douceur du Kent, rien n’y manque.
C’est un régal pour l’œil et l’esprit. Il y a dans ce film une scène superbe
dans la galerie du peintre, attenante à son atelier londonien.
Un richissime homme d’affaires propose à Turner de lui
acheter la totalité de sa production. Passée, présente et à venir. Il offre une
très belle somme. Turner refuse. Il dit que c’est de toute façon impossible car
il a légué son œuvre à la nation anglaise et
veut que le public puisse la voir gratuitement. Le financier s’en va,
dépité.
J’ai vu ce film en VO
au Caméo Ariel de Metz qui propose depuis
15 ans une programmation remarquable, mélange de films tous publics de qualité
et de films plus confidentiels. Ce cinéma va disparaitre. Notre municipalité vient de
signer (?) va signer (?) un accord avec le groupe Kinépolis. En échange de la rénovation de l’autre cinéma
du centre – le Palace - ce groupe
récupèrerait la programmation du centre-ville en plus des blockbusters et
comédies de grande audience projetées dans ses multiplex.Il se retrouverait de facto en situation de monopole. Autant dire que si l’affaire aboutit nous
allons perdre tout un versant du cinéma dans un laps de temps très bref.
Je repense à Turner. S’il avait accordé le monopole de son
œuvre à cet acheteur, la Tate
Gallery n’existerait pas. Quelle
richesse collective perdue ! Imaginer Londres sans la Tate m’est aussi
difficile qu’imaginer Metz sans une programmation de cinéma digne de ce nom.
Ne serait-il pas plus judicieux de « léguer » le
Palace à la culture cinématographique plutôt qu’au monopole ? Continuer d’offrir un espace de diffusion à des cinéastes du monde entier, réunis dans une programmation intelligente, serait un
choix aussi cohérent que le rassemblement
de l’œuvre de Turner à la Tate.
Aller au centre voir un film en VO - entendre la vraie voix de Sean Penn ou de Scarlett Johansson ,
des éclats de rire coréens, des colères africaines - boire ensuite une mousse avec les copains,
reluquer les vitrines, se réjouir de ces
bandes de garçons et de filles que l’on croise encore le soir dans les rues, fait
partie des plaisirs non monnayables, des étincelles qui font vibrer une ville.
The great Western Railway - 1844 - 122 x 91 cm