Ce matin j’arpente mon atelier
comme un chat malade à la recherche d’un coin pour se cacher. Impossible de
peindre, cela me parait dérisoire. Je souffre parce que j’aimais ces gens que
l’on vient de tuer.
Il y a longtemps que je
n’achetais plus, ne lisait plus Charlie de façon régulière. Pour autant ceux qui y sont morts ont contribué à
façonner mon esprit. Ils m’ont appris, il y a
40 ans, à envoyer balader les officiers supérieurs et les adjudants de ma
caserne, ils m’ont appris à ne pas dire « Maître » chaque fois que je
croise un avocat ou un notaire. Ils ont
fortement éclairé ma relation avec les dieux de toutes sortes tant leurs
déconnades à ce sujet me sont apparues
infiniment plus saines que les génuflexions
des bigotes. Ils m’ont donné des armes pour résister.
Ils n’ont pas été les seuls mais,
c’est incontestable, ils m’ont un peu
façonné. Ils ont aidé à ma capacité d’autodérision. Tous ceux qui ont testé ce
truc savent que ça aide à tenir le coup.
En ce moment des intégristes
musulmans se dirigent vers la Syrie, l’Irak ou ont décidé d’étendre le domaine
de la lutte dans nos sociétés. Rien ne leur semble plus important. C’est leur
combat, il est dans leur tête de façon obsessionnelle. Ils se lèvent le matin
en se disant « ici et maintenant ». La folie de ce combat est leur
seule issue car le martyre est le seul aboutissement de cette pensée. C’est
l’idée de la mort qui les rassemble.
C’est ainsi que nous devons les
combattre : ICI et MAINTENANT. Samedi à la marche, comme nous l’avons fait
hier soir dans tant de villes de notre pays. Sans slogans, nous savons ce que
nous ne voulons pas lâcher. C’est l’idée de la vie qui nous rassemble.
JE SUIS CHARLIE