Observant une chypriote grecque taper du poing sur la porte
d’une banque, je me dis: « ma belle il nous reste un milliardième de seconde avant l’assaut
final londonien contre l’euro». A cet
instant Je décide de sauver mon livret de développement durable.
Je relie alors ma
carte de crédit à un clavier d’ordi et je vais au distributeur à côté de la
boulangerie, j’enfourne la carte, saisis le code et
plutôt que de demander 100 en coupures
de 20 et 10 (ouais t’as le choix à celui-là c’est vachement pratique) je clique
sur « autre somme ».
-
« Veuillez indiquer la somme »
Sur le clavier je tape :
- « TOUT »
A peine ai-je retiré mon engin de la fente que ça se met à
cracher sans arrêt. Les billets tombent en liasses et le vent d’avril encore citron
les disperse. Malgré l’heure matinale des gens affluent, des
automobilistes stoppent net. Les types s’en foutent plein les poches
et les femmes soulèvent leurs jupes pour
faire un panier. Andréa, le roumain qui fait la manche à côté de la boulangerie bourre son bénard en gueulant « viva la europ!»
Un type balance sur
tweeter « la porte est ouverte» avec « traduction instantanée ».
Des mecs sautent dans des avions de tous
les coins de la planète. « the door is open», « la puerta esta
abierta » « oh putain les gars on y va, on y va…. à Metz près d’une
boulangerie on m’a dit »
A la vitesse de la lumière ils sont là, du
Brésil et des Caymans, du japon, de Bolchovie orientale, du Katswana
Démocratique et de Villeneuve sur Lot,
tu parles une porte ouverte…. en jet privé, en aéroski, en dirigeable, en voiture à macaron, en papamobile. Ils
gueulent « j’en veux, j’étais là avant, poussez-vous, vous en avez assez ! »
les billets montent maintenant jusqu’au 5° étage en une masse compacte que le vent ne pousse
plus. Des costauds donnent des ordres, les flics font un cordon et n’arrêtent
pas de se retourner pour qu’on leur remplisse le casque, l’affaire s’organise
autour malgré les combats et ceux qui braillent « un peu de dignité tout de
même », le boulanger sort « la
fournée de la porte ouverte » baguette à 10 000 euros, les riverains
ouvrent portes et fenêtres pour se servir à même « la bête ». Andréa
parle 14 langues, a racheté le garage contre lequel il s’appuie habituellement et déjà le remplit avec l’aide de deux types
embauchés sur la promesse d’un bénéfice supérieur à ce qu’ils pourraient mettre
sur eux. Je tente de respirer, plaqué
contre la vitrine de l’agence, agrippé au
clavier, tétanisé à l’idée qu’ils vont me retrouver à cause du code.
Lorsqu’il entend la
nouvelle Bernardo stoppe son camion benne et descend. Il danse sur la route d’Oaxaca en
chantant sur un air de cumbia « va y a voir du cash, va y avoir du
cash ! ». Avant de repartir il
entrouvre la bâche. Peu à peu la poudre s’envole dans l’air chaud avant de blanchir
les cactus et les agaves.
Même les crotales se sont pissés dessus.
OAXACA - 2013 - 92x73cm