La Loire est à l’origine de la schizophrénie météorologique, une pathologie qui affecte un grand nombre d’entre nous. Le truc fait de tels ravages à chaque bulletin météo que je décidai un jour de vérifier par moi-même ce « gris au nord » et « bleu au sud » qui me scie la tronche depuis l’enfance. Tel Pécuchet au meilleur de sa forme je me plantai au mitan du pont de Chateauneuf, le regard tourné vers l’ouest, afin d’observer le phénomène. (Une bonne observation nécessite de se couler dans les éléments or la Loire coule vers l’ouest)
Je vous le dis tout net il s’agit d’un pur mensonge : le ciel ne change pas de couleur à la verticale de l’axe du fleuve. J’y revins plusieurs fois afin de confondre ces beaux messieurs (une bonne observation nécessite des recoupements) C’est confirmé: hiver comme été, matin ou soir, par calme plat ou grand vent et même en regardant vers l’est le ciel ne se déchire pas à cet endroit là.
Désabusé par ce constat - j’aime la précision dans l’observation - je me penchai au dessus du parapet. La Loire m’a offert dans son flot des bribes de pêchers en fleurs, du vert tendre de prairie et des ocres de tuffeau. Je l’ai vue monstre de douceur avec de la douceur autour et des châteaux d’opérette qui veillent sur des jardins géométriques. Oh bien sûr elle est grosse l’hiver, fantasque au printemps et montre ses jambes lorsqu’il fait chaud mais elle est bonne fille et la douceur domine dans cette lumière capturée entre grain de pluie et brume de chaleur. La Loire ressemble à la France dont nous rêvons. Généreuse, subtile et douce. Celle que nous décrivons aux visiteurs étrangers incrédules.
Et puis un canard est passé sous une arche avant d’amerrir sous mes yeux. Ah si Arthus Bertrand pouvait s’intéresser au vol du canard souchet plutôt qu’à celui de son hélico dont la compensation carbone a permis la reforestation de la Corse, cela nous éviterait de nous taper « Home » en VO. Cette histoire de compensation pue l’arnaque.
LOIRE - 2009 - 195 x 130 cm