Grâce à leur money ils ont acheté les plus belles bâtisses de notre douce contrée sous une ligne La Rochelle – Narbonne et au volant de leur Girling 2138 cm3 ils ont sillonné les routes du sud-ouest avec à leur gauche (ben oui) des gonzesses en lunettes noires et foulard qui susurraient :
- Oh, continuez Georges, c’est tellement merveilleux.
Georges ne s’est pas fait prier et ils se sont dispersés sur un quart de la France tels des moineaux en migration estivale. C’est ainsi que j’ai connu Dyllis, en réalité une galloise avec un Patrick irlandais (çà ne s’invente pas) dans un micro village du Lot et Garonne. Elle savourait un gin fizz (enfin plusieurs) à chaque soirée que Dieu lui offrait et contemplait le Lot depuis sa maison éclusière.
- Oh, Alain, c’est tellement merveilleux.
Ici nous avons affaire à un méta-langage. « C’est tellement merveilleux » c’est pratique, universel, la preuve d’une parfaite éducation. Je l’ai souvent imaginée dans une demeure en Inde ou au Kenya. Car Dyllis, lorsque je l’ai croisée, avait déjà 70 ans. Cela faisait longtemps qu’elle trouvait la France «marvéyeuse ». Chaque année elle repartait plus tard en Angleterre et revenait avant même le printemps très en avance sur ses congénères. Jusqu’au jour où elle a décidé que le gin était moins cher au super marché du coin que dans le Surrey. Indice probant du réchauffement climatique car sédentariser les espèces est une preuve scientifique de l’évolution du comportement.
Afin de nous remercier de tant de douceurs elle organisait une fois l’an un repas pour les 10 maisons du hameau. L’affaire dépassait la simple « bouffe » entre voisins, Dyllis travaillait à l’entente cordiale. Le menu était donc établi sur les bases suivantes : coup d’envoi mixte et baroque avec omelette aux cèpes et chutney , 2° mi-temps sud-ouest , le genre qui tient en mêlée, et un dessert anglais. Vin.
Soyons honnêtes, ce dessert nous appréhendions son retour annuel. Mais nous avons fini par l’applaudir car il nous permettait de déconner pendant 364 jours sur la cuisine d’outre manche. Il était rose. Fuschia. La « jelly » recouvrait le « tout » d’une imparable saveur britannique.
Gourmandise - 2008 - 116x89cm
"les 7 péchés capitaux"
Ce « tout » nous ne l’avons jamais identifié. Les bruits les plus fous ont couru. N’avait-elle pas travaillé dans la recherche atomique à Cambridge alors même qu’elle disait être dentiste. Elle en coupait des tranches énormes. On s’observait et moi je l’observais. Elle s’envoyait des bouchées titanesques en fermant les yeux et en murmurant :
- Oh, les amis, c’est tellement merveilleux. So marvellous …
Un ami peintre me signale qu’un comité de grands chefs s’est créé et a entrepris une démarche officielle auprès de l’Eglise Catholique afin de faire abolir le péché de gourmandise. Une erreur stratégique à mon sens car je vous le demande : où sera le plaisir ? « C’est tellement merveilleux… »
God save Dyllis.